Certes, on ne peut pas prédire l’avenir. Mais avec au regard des recherches technologiques et scientifiques actuelles, on peut esquisser la fusée de demain, voire celle d’après-demain.
Demain, des fusées réutilisables
Toutes les fusées opérationnelles aujourd’hui (excepté le lanceur Falcon 9 de Space X) sont consommables, c’est-à-dire qu’elles ne sont utilisées qu’une seule fois. Mais les acteurs du secteur, publics et privés, partout dans le monde, travaillent sur le sujet de la réutilisation depuis des années. C’est en effet une voie possible pour réduire les coûts du transport spatial. Notez que les Etats-Unis ont opté pour le réutilisable dès les années 1980 : la navette spatiale (en fonction entre 1981 et 2011) pouvait revenir sur Terre en se posant comme un avion, avant de repartir dans l’espace.
Une équation plus complexe qu’il n’y parait
Récupérer tout ou partie d’une fusée… Sur le papier l’idée est séduisante. Elle présente des avantages environnementaux, comme le fait de générer moins de débris. Mais qui dit réutilisable, dit certes flexibilité économique, mais pas forcément bas coût. L’équation est complexe, car il faut un nombre de lancements annuel suffisant pour que cela soit rentable. De plus, un lanceur réutilisable perd en performance, puisqu’il doit embarquer du carburant et les équipements pour redescendre et se poser. Cela réduit donc la place disponible pour les satellites. Enfin, le matériel récupéré doit être remis en état avant d’être apte à revoler, ce qui a un coût. Le travail aujourd’hui consiste donc à rendre le résultat de l’équation positif.
En Europe, Callisto et Themis ouvrent la voie
Au CNES, nous travaillons sur la réutilisation depuis les années 1980. Et Callisto en est la première démonstration concrète. Ce petit véhicule spatial européen (15 m de haut) va décoller jusqu’à 35 km d’altitude, avant de revenir sur Terre, à la verticale. Il est équipé d’un moteur lui aussi réutilisable, fonctionnant à l’hydrogène et à l’oxygène liquides.
Callisto n’a pas vocation à devenir un lanceur opérationnel. C’est un « testeur », pour apprendre à maîtriser les manœuvres complexes de retour sur terre, ainsi que les opérations de remise en état entre 2 vols. Callisto permettra aussi de chiffrer précisément le coût d’un lanceur dont le premier étage serait réutilisable. Une dizaine de vols d’essai sont au programme au Centre spatial guyanais.
L’expérience acquise sur Callisto va également servir un autre projet européen : Themis, conçu par ArianeGroup et le CNES. Avec Themis, on change d’échelle : 30 m de haut, 3,5 m de diamètre. Ce véhicule doit préfigurer ce que sera le premier étage – réutilisable - de la future fusée européenne, celle qui succédera à Ariane 6. Comme Callisto, Themis sera lancé depuis le CSG, précisément depuis l’aire de lancement réhabilitée de l’ancienne fusée française Diamant.
Prometheus, le moteur de demain
Le moteur Prometheus, développé par le constructeur ArianeGroup, équipera les futures fusées européennes. Le projet est soutenu par la France, l’Allemagne et l’Italie. Ses atouts ? Prometheus est un moteur à bas coût et réutilisable, grâce aux technologies choisies, différentes des moteurs actuels (Vulcain, Vinci...)
- Un moteur au méthane ! Prometheus fonctionne avec du méthane à la place de l’hydrogène. Le méthane liquide est moins complexe à utiliser que l’hydrogène liquide qui nécessite de descendre à des températures beaucoup plus basse (- 253 °C contre - 161 °C pour le méthane liquide).
- Un moteur réutilisable. Avec Prometheus, on pourra moduler la poussée du moteur en cours d’utilisation. Un paramètre indispensable quand on veut faire atterrir en douceur une fusée.
- Un moteur imprimé. Plus de la moitié des éléments de Prometheus sont construits par impression 3D. Cette méthode de fabrication additive, où les pièces se « montent » couche par couche, permet de simplifier la production et de réduire les coûts.
Et après demain ?
A l’horizon 2050, le monde des lanceurs devrait bénéficier d’innovations qui donneront une autre allure aux engins. La tendance ? Celle du « single stage to orbite », c’est-à-dire un lanceur avec un seul étage, et entièrement réutilisable. Moins cher, plus simple, plus facile à réutiliser, ce lanceur pourrait faire des allers-retours fréquents entre la Terre et l’orbite basse, là où se développe le marché des satellites. Des études sont menées actuellement sur les futures technologies qui pourraient aboutir à une telle fusée.
De nouveaux matériaux
Avec les matériaux actuels, une fusée faite d’un seul morceau ne serait pas assez légère pour être propulsée dans l’espace. Des recherches sont donc en cours pour arriver à produire, à grande échelle et sans que cela soit trop coûteux, de nouveaux matériaux. Un exemple ? Le graphène ! Il n’est composé que d’une seule couche d’atomes de carbone (100 000 couches de graphène ont la même épaisseur qu’une feuille de papier). Il est donc extrêmement fin, donc ultra-léger. Mais ses atomes sont agencés de telle manière que le graphène est aussi 200 fois plus résistant que l’acier.
De nouveaux carburants
Composés de nouvelles molécules synthétisées en laboratoire, ces ergols du futur sont à haute densité énergétique, soit plus performants. En clair : plus de puissance avec moins de carburant. De plus, ils peuvent fonctionner seuls (alors qu’aujourd’hui, il faut un mélange de 2 ergols, comme l’oxygène et l’hydrogène). Ce qui signifie un seul réservoir. Et donc des fusées plus légères au décollage ! Des études sont ainsi en cours sur des molécules composées uniquement d’atomes d’azote, mais assemblés d’une façon particulière qui n’existe pas dans la nature. Reste encore à vérifier qu’elles ne sont pas dangereuses. Puis s’assurer qu’elles peuvent être produites en quantité industrielle. Et enfin, imaginer les moteurs qui pourront fonctionner avec ces nouveaux carburants…
Quizz
De nombreuses pistes sont à l’étude, notamment sur les carburants, pour trouver des nouveaux modes de propulsion. La startup allemande Hylmpulse Technologies travaille ainsi sur une petite fusée propulsée par un moteur hybride. Mais à quoi fonctionne-t-il ?
A – Oxygène et cire de bougie
B – Oxygène et nitrate d’ammonium
C – Oxygène et hydrogène
D – Oxygène et fumier
A : Hylmpulse technologie utilise pour son moteur de l’oxygène liquide et de la paraffine, utilisée pour fabriquer les bougies, mais également comme wax sur la planche de surf, pour farter les skis ou pour fabriquer des allume-feu à barbecue !