Le programme européen Ariane est une saga à succès. Une saga technologique, politique et commerciale, dont le rôle principal est tenu par une fusée.
Ariane propulse l’Europe dans l’espace
Nous sommes dans les années 60. L’espace est dominé par 2 puissances, les Etats-Unis et l’URSS, les 2 seuls pays au monde à pouvoir envoyer des satellites commerciaux. Eux seuls ont les technologies et les moyens de faire décoller des lanceurs assez puissants pour propulser des engins toujours plus massifs.
Mais l’Europe est bien décidée à ne plus dépendre de ces 2 pays. Elle lance son propre programme de construction de fusées, Europa… qui échoue. Les pays n’arrivent pas à s’entendre. Mais de cet échec naît en 1973 un nouveau programme baptisé Ariane, géré par la toute nouvelle Agence spatiale européenne (ESA) fondée en 1975. Cette fois-ci, c’est un succès. Le 24 décembre 1979 une Ariane 1 décolle du centre spatial guyanais. L’Europe spatiale est en marche.
Les fusées Ariane, une famille nombreuse, et fiable
Entre 1979 et 2023, 5 versions d’Ariane se succèdent, enchainant les tirs réussis et confirmant ainsi la grande fiabilité des lanceurs européens. Par exemple, 116 Ariane 4 décollent entre 1988 et 2003, seuls 3 tirs échouent.
Ariane 5, elle aussi, a un palmarès impressionnant : 117 vols, dont 112 réussis, et 238 satellites mis en orbite. Et pas des moindres. Ariane 5 met sur orbite les télescopes spatiaux Planck et Herschel, ainsi que de la plupart des satellites de la constellation Galileo, qui dote l’Europe de son propre système de navigation par satellite. La fusée envoie également 5 cargos ravitailleurs européens ATV rejoindre la Station spatiale internationale (ISS). Enfin, en décembre 2022, la NASA choisit une fois encore Ariane 5 pour propulser le télescope James Webb, le successeur de Hubble, un joli bijou à 10 milliards de dollars.
Le succès d’Ariane 5 est un héritage familial. Au fil des ans et des « Ariane », les fusées européennes deviennent de plus en plus puissantes. Elles s’adaptent pour répondre aux besoins du marché des télécommunications notamment : envoyer des satellites toujours plus gros, toujours plus haut.
Il faut dire que la concurrence est rude. De l’autre côté de l’Atlantique, les Américains développent une navette spatiale capable de transporter de lourdes charges, puis de revenir sur Terre. Elle sera effective pendant 30 ans, entre 1981 et 2011. Le programme est abandonné suite à 2 accidents mortels, en 1986 et 2003. En Europe, même si l’on étudie le concept d’une navette (c’est le projet Hermès initié dès 1975, un projet ambitieux abandonné en 1992 faute de volonté politique de tous les pays de l’Europe), on s’attache à développer des lanceurs de plus en plus performants. Ainsi, Ariane 5 peut placer sur orbite des satellites 2 fois plus lourds que sa prédécesseure Ariane 4, jusqu’à 10 tonnes à une altitude de 36 000 km (altitude de l’orbite dite géostationnaire utilisée pour les satellites de télécommunication). À la fin des années 2010, Ariane 5 est la championne des lancements commerciaux et institutionnels (satellites pour la science, l’observation de la Terre…).
Dates clé
- 24 décembre 1979 à 14h14 : premier vol d’Ariane 1 (L01)
- 1979 à 1986 : Ariane 1
- 1986 à 1989 : Ariane 2
- 1984 à 1989 : Ariane 3
- 1988 à 2003 : Ariane 4
- 1996 à 2023 : Ariane 5
- 5 juillet 2023 : dernier décollage d’Ariane 5
- 2024 - : Ariane 6
Ariane 6, l’atout de l’Europe dans la nouvelle course à l’espace
Pour affronter les géants du marché comme la société américaine SpaceX, l’Europe se dote d’une nouvelle fusée plus compétitive, Ariane 6.
SpaceX, le perturbateur
A partir des années 2000, l’Europe fait face à un nouveau défi : l’arrivée de sociétés privées sur le marché des tirs de fusées, l’Américaine SpaceX en tête. Ses fusées Falcon sont une menace pour Ariane car leur coût de lancement est inférieur, notamment grâce à la réutilisation d’une partie de celles-ci. De plus, le Falcon 9 est un lanceur évolutif. Il peut tour à tour emporter des charges moyennes à très haute altitude (orbite géostationnaire à 36 000 km) ou de très gros satellites en orbite basse.
Sans parler de la cadence des tirs : aujourd’hui, là où l’Europe effectue au maximum 6 lancements par an, SpaceX en réalise plus de 90. Un système qui permet de réduire encore le coût de chaque lancement.
La riposte de l’Europe
Face à la concurrence, l’Europe décide, entre autres, de développer une nouvelle fusée. Le premier vol d’Ariane 6 a lieu en 2024, sur une aire de lancement développée pour l’occasion sur le centre spatial guyanais. Ariane 6 permet à l’Europe de réduire les coûts de lancement : moins cher à produire, moins cher à assembler… Elle est par exemple la première Ariane à être assemblée à l’horizontal, dans un nouveau bâtiment de 20 m de haut (contre 60 m pour le bâtiment d’assemblage d’Ariane 5), donc moins gourmand en énergie. Les propulseurs d’appoints, accolés au corps principal et qui fournissent la poussée au décollage, sont installés en même temps que la coiffe. Résultat : elle est assemblée plus vite, ce qui permet d’enchainer plus rapidement les tirs. Objectif : un tir toutes les 2 semaines.
La nouvelle fusée existe même en 2 versions pour répondre aux besoins de plus de missions : Ariane 62 (avec 2 propulseurs) et Ariane 64 (avec 4 propulseurs).
Quizz
Les fusées européennes Ariane ont failli s’appeler autrement. Quels noms avaient été proposés au lancement du programme en 1973 :
A – Saturne
B – Orion
C – Phoenix
D – La Lyre
B, C, D : Beaucoup de noms ont été proposés, Phoenix, La Lyre ou encore Orion (mais pas Saturne, qui est le nom de la fusée américaine du programme Apollo !) Le ministre du Développement industriel et scientifique, Jean Charbonnel, a finalement choisi Ariane, en référence à l’héroïne de la mythologie grecque qui permit à Thésée de sortir du labyrinthe construit par Dédale. Ariane ou comment débloquer une situation qui coince... Ariane qui est aussi la petite fille de la déesse Europe !