Published on March 26, 2025

DORIS en Antarctique : journal d’une mission pas comme les autres (1/3)

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Ingénieur stations au CNES, Vincent Garcia s’est rendu fin 2024 en Antarctique pour renouveler les équipements du système de balises DORIS. Une véritable aventure qu’il livre à la première personne.

© Vincent Garcia, 2024
Cartes de situation.
© Vincent Garcia, 2025/OFB, 2021

Jeudi 19 décembre 2024

Cette fois, je suis en route pour la Terre Adélie et la station scientifique Dumont d’Urville. Elle est gérée par l’Institut polaire français et sous la responsabilité administrative des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Tout le monde l’appelle DDU. 

Cette station se trouve en Antarctique, juste en face de la Tasmanie. Je dois y renouveler tous les équipements de la balise DORIS : cela fait plus de 15 ans qu’aucune personne de l’équipe DORIS ne s’est rendue sur place. C’est ma deuxième mission cette année, et c’est la plus lointaine depuis 6 ans que je travaille dans le service Ingénierie Stations du CNES.

Mon métier, c’est de maintenir en état et de rénover le réseau de balises DORIS. Ces balises servent à mesurer précisément l’orbite des satellites d’altimétrie, mais aussi à observer les mouvements des plaques tectoniques.

D’abord je pars en avion jusqu’à Hobart, en Tasmanie, au Sud-Est de l'Australie. Un trajet de 40 heures avec trois escales. Ensuite, à Hobart, je vais monter sur le patrouilleur polaire L’Astrolabe* pour une traversée de 6 jours.

Je connais trois ou quatre personnes qui sont déjà sur place : je les ai rencontrées en octobre. Ce sont des volontaires de service civique à l’Institut polaire français. Je forme chaque année ceux qui vont hiverner sur les îles subantarctiques et sur la station de Dumont d’Urville.

C’est la première fois que je pars avec eux, ça fait plusieurs années que je les enviais !

© CSIRCO, 2006/Institut polaire français, 2024

En revanche, je ne connais pas encore les autres personnes qui prendront le bateau avec moi. Mais depuis deux jours, il y a un groupe WhatsApp pour nous organiser. On reçoit des informations et il y a des photos des vingt-deux personnes qui vont prendre le bateau dimanche prochain sur la rotation R2 (le troisème ravitaillement de la campagne d’été 2024-2025).

On sera autour de 80 personnes au total sur la station au cœur de l’été austral.

Le patrouilleur polaire L’Astrolabe

Propriété des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), et mis en œuvre et entretenu par la Marine nationale, L'Astrolabe est un navire brise-glace né d'un partenariat entre les TAAF, la Marine nationale et l'Institut polaire français (IPEV). 

 Samedi 21 décembre 2024

© Vincent Garcia, 2024

Je suis enfin arrivé à Hobart. L'hôtel est juste à côté du port et je vais aller faire quelques courses au supermarché : gâteaux, fruits et bonbons. La traversée jusqu’en Antarctique sera bien longue et il n’y a pas d’épicerie à bord du brise-glace. Ce soir, je suis allé marcher un peu pour me dégourdir les jambes, parce que c’était long de rester assis dans les avions pendant deux jours. Je pense que ça m’aidera à mieux dormir aussi.

Sur le trajet, je suis passé au port pour voir L'Astrolabe. Il est magnifique ! Je suis impatient de démarrer la traversée, mais j’ai aussi un peu d’appréhension par rapport au mal de mer… Toutes les personnes qui ont déjà fait ce voyage me parlent de la mer déchaînée quand on se rapproche du Pôle Sud.

Il y a 10 heures de décalage horaire ici, mais je suis encore calé sur le fuseau horaire de Toulouse. Le 21 décembre, jour du solstice d’été, il fait jour de 6h à 21h à Hobart. Ce soir, je vais retrouver ceux qui embarqueront sur le bateau demain avec moi.

Dimanche 22 décembre 2024

© Vincent Garcia, 2024

Ça y est, je suis sur L’Astrolabe !!!

En arrivant, j’ai rencontré Anthony. C’est le commis en charge des passagers. Il est originaire de Toulouse, mais il n’a pas le même accent que moi ! Je visite le bateau avec lui, ma chambre, le pont passager, la passerelle et même l’extérieur.

Je vais dormir à bord ce soir pour la première fois : demain, on quittera le port et on commencera à naviguer à 5h du matin. Il me tarde déjà. Je ne sais pas encore comment on pourra se parler les prochains jours…

Il fait un temps magnifique aujourd’hui, presque 25 °C, et le ciel est parfaitement bleu.

Je me suis installé dans une chambre avec Raffik et Michel. Nous avons les toilettes, la douche dans la chambre mais aussi deux bureaux, c’est vraiment confortable.

Cet après-midi, nous serons libres après le briefing sur la météo et les règles de vie à bord. Bien que l’équipage soit militaire, il est là pour une mission de soutien logistique. On a donc accès quasiment à tout le bateau, notamment la passerelle. Les marins sont très accessibles et le tutoiement est de rigueur.

Les douaniers australiens vont aussi venir contrôler nos papiers.

Lors du point météo on nous a parlé du Vendée Globe, car nos routes se croisent ! Tous les marins suivent la course de près : ils ont été en contact avec quelques bateaux lors des rotations précédentes. Bon, on a tout de même peu de chance d’en voir un…

La tradition avant le départ, pour les marins, c’est de manger un fish & chips au port la veille au soir. Je vais y participer avec quelques scientifiques et on croisera certainement les marins au restaurant.

Lundi 23 décembre 2024

© Vincent Garcia, 2024

Hier, j’ai appris que L’Astrolabe possède un accès à internet depuis mars 2024 ! On va pouvoir rester en contact pendant toute la traversée. J’ai pas mal discuté avec le responsable des communications du bateau : nous avons surtout parlé des constellations de satellites et des performances associées.

À 5h pile, comme prévu, le bateau démarre lorsque le jour se lève. Je suis debout évidemment, hors de question de rater ça ! 

Un des pilotes du port de Hobart est venu faire les manœuvres délicates pour sortir du bassin avec nous. 

Ensuite, il est parti faire l’inverse : aider un paquebot à entrer dans le port.

Pendant le briefing météo hier, on nous a dit que la mer pourrait être agitée vers midi et je n’ai pas pris les cachets contre le mal de mer en préventif, c’est possible que tout se passe bien… On verra ce que ça donne.

Dans la matinée, on apprend qu’un des quatre moteurs de LAstrolabe est en panne. Les mécaniciens à bord ont l’habitude de gérer ce genre de situation, ils ont d’abord tenté de faire la réparation eux-mêmes. Mais en début d’après-midi, il faut faire demi-tour ! Comme le bateau passe la moitié de l’année à Hobart, il y a les pièces détachées nécessaires pour la réparation sur le quai.

Mardi 24 décembre 2024

© Vincent Garcia, 2024

Aujourd’hui, c’est la veille de Noël.

Dès 7 heures ce matin, les mécaniciens ont attaqué les réparations sur le moteur défectueux du bateau. On nous annonce à travers le système de haut-parleurs du bateau qu’il y aura un nouveau point à 14 heures pour en savoir plus.

Le temps est magnifique aujourd’hui, il fait bien chaud. Certains passagers restent à bord, d’autres vont en ville faire des courses.

À 14 heures, nous apprenons que les réparations sont terminées et que le départ est prévu pour 20 heures.

Vers 18 heures, le père Noël vient nous voir ! On fait l’apéro de Noël, on partage quelques petits fours et on ouvre nos cadeaux. Le père Noël m’offre un bonnet chaud avec marqué « patrouilleur polaire Astrolabe ». Ça semble très utile pour ma destination !

À 20h, le bateau démarre : cap sur l’Antarctique ! Nous profitons du coucher de soleil… Nous sommes tous séparés de nos familles, mais tous rassemblés pour ce réveillon de Noël, c’est très chaleureux, marins et passagers, tout le monde a le sourire.

Nous avons perdu un jour sur la durée de la mission, mais les aléas font partie de l’aventure, il faudra bien s’adapter.

Mercredi 25 décembre 2024

© Vincent Garcia, 2024

C’est Noël !

La nuit a été agitée, car depuis que nous avons pris la mer nous sommes un peu secoués. Deux ou trois marins sont malades et bien sûr quelques passagers aussi. Je m’en sors plutôt bien : la nuit a été entrecoupée de plusieurs réveils, mais je n’ai pas de nausée.

Dans la banquette-lit, on sent les mouvements du bateau et parfois nous avons l'impression d'être très léger ou au contraire très lourd, c’est le tangage qui fait ça. D’autre fois, c’est le roulis qui nous berce, c’est plus supportable et même agréable.

À 6h du matin je me lève, trop excité de monter sur la passerelle pour voir l’horizon. Quelques vagues viennent frapper l’avant du bateau et projettent de l’écume en l’air. Le ciel est nuageux, on voit quelques moutons à la surface de l’eau. 

Au loin, c’est l’horizon pour encore 4 ou 5 jours de navigation. Les marins sont très sympas et à plusieurs reprises nous échangeons sur nos métiers respectifs.

Les communications

Le bateau est moderne et j’ai aussi accès à bord à WhatsApp pour communiquer avec le reste du monde. 

Avant de partir, j’étais déjà en communication avec le personnel de l'Institut polaire français sur la station de Dumont d'Urville pour préparer les derniers détails de la mission : ils savent que le bateau est en route et que je vais les rejoindre. Mon contact sur place est Coline. Nous avions convenu ensemble de faire de travaux préparatoires et qu’un pilier métallique serait installé avant mon arrivée. Mais pour de multiples raisons, cela ne pourra pas se faire avant que j’arrive.

Je communique avec ma famille, bien sûr, mais aussi avec les collègues de mon service. Et j’ai un autre groupe avec toute l’équipe DORIS. On a beau voyager aux quatre coins du monde pour DORIS, l'Antarctique ça reste pas banal, tout le monde est curieux. Mes copains toulousains aussi me sollicitent et plusieurs personnes de mon entourage m’écrivent pour me souhaiter un joyeux Noël, et avoir des nouvelles de mon voyage. Je réponds avec plaisir à toutes les sollicitations et ça occupe une partie de mes journées.

À suivre...

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