Et si l’avenir de la 5G passait par les satellites ? C’est l’objectif de la start-up française UNIVITY. Avec sa solution 5G par satellite, exit les zones blanches ou les pannes de téléphonie mobile : les opérateurs en France (Orange, Bouygues, Free, SFR) et à l’international pourraient fournir à leurs clients un accès universel à l’internet haut débit, par voie terrestre et/ou satellite. « Nous sommes le Starlink des opérateurs de télécommunications ! » souligne Benoist Loscul, architecte système et responsable opérations pour la mission uniSpark chez UNIVITY.
Mais avant d’en arriver là, l’entreprise doit développer, tester et calibrer sa technologie. « Il est crucial de démontrer la faisabilité d’un concept pour convaincre les investisseurs et les clients », abonde Jérôme Mouëza, responsable du pôle des applications pour les télécommunications par satellite au CNES. Or, la conception d’un tel système demande une panoplie d’équipements de mesure et de compétences dont ne dispose pas une jeune entreprise. Depuis les débuts d’UNIVITY en 2022, le CNES accompagne la start-up. Récemment, dans le cadre du Comité des Nouveaux Entrants du CNES, une convention a été signée pour permettre à UNIVITY d’accéder aux moyens de l'agence spatiale française.
Des tests en cours au CNES à Toulouse
Alors, depuis août, les équipes d’UNIVITY se rendent régulièrement sur le site du CNES à Toulouse. « UNIVITY a installé une antenne – sorte de prototype de son futur terminal utilisateur uniBox – sur le toit d’un bâtiment du CNES pour sa campagne de validation des communications », raconte Jérôme Mouëza. Stéphane Rozes, chargé d’affaires en applications Satcom au Centre de support et d’expertise pour les usages en télécommunications par satellite (CESARS), complète : « Les bureaux occupés par UNIVITY ne permettent pas d’installer des antennes extérieures pour une longue durée. Nous avons donc signé une convention d’un an entre notre centre d’expertise CESARS et UNIVITY pour leur fournir un site adapté. » Les équipes d’UNIVITY scrutent les communications quotidiennes entre l’antenne et la charge utile uniSpark – leurs équipements satellite – placée en orbite en juin dernier. Alain Julier, responsable des partenariats institutionnels chez UNIVITY, souligne : « Le soutien du CNES nous permet de tester uniSpark dans les meilleures conditions grâce à l’expertise des équipes et à la mise à disposition des infrastructures — notamment l’accès aux toits techniques. La dynamique de cette coopération permet d’accélérer notre feuille de route technologique. »
Si UNIVITY a besoin de tester scrupuleusement la communication radio entre le sol et le satellite, c’est parce que les fréquences utilisées sont inédites : elles sont habituellement réservées aux communications terrestres et non spatiales. « Cela permettra à UNIVITY de proposer ses services sans dépendre des exploitants des fréquences dédiées au spatial », explique Xavier Deplancq, chef de projet dans le cadre de France 2030 au CNES. Et alors que ces dernières sont de plus en plus saturées avec l’explosion des constellations de satellites, ces fréquences terrestres sont au contraire peu utilisées. UNIVITY souhaite ainsi proposer un service 5G haut débit, faible latence (c’est-à-dire très réactif) et faible coût, aux opérateurs historiques de téléphonie mobile – et non directement aux utilisateurs comme le fait Starlink – qui utilisent déjà ces fréquences.
En juillet dernier, les équipes CNES de la Base compacte de mesures d’antennes (BCMA) ont testé les performances de l’antenne utilisée par UNIVITY. « Les performances indiquées par le fournisseur ne suffisent pas, il est nécessaire de les valider, détaille Gwenn Le Fur, responsable du laboratoire de mesure en charge de la campagne UNIVITY. Nous avons réalisé des mesures dans notre chambre anéchoïque (ou “chambre sourde”) : dans cette salle d’expérimentation complètement exemptée de perturbations et à l’environnement contrôlé, les propriétés en rayonnement de l’antenne sont mesurées. » Grâce à leur expertise et leurs connaissances antérieures de l’antenne, les équipes de la BCMA ont pu fournir une analyse détaillée des mesures de performance, conforme aux attentes d’UNIVITY.
1500 à 3400 satellites à très basse orbite, une première
Étape après étape, UNIVITY conçoit et teste ses antennes, sa charge utile… mais qu’en est-il des satellites et des terminaux utilisateurs ? D’ici 2028, UNIVITY ambitionne d’assembler ses propres satellites, terminaux utilisateur et passerelles, et de placer jusqu’à 1500 satellites en orbite voir 3400 si le marché et le financement sont au rendez-vous. Le défi ? Développer pour la première fois une constellation de télécommunication à très basse orbite, à 375 km d’altitude – un prérequis indispensable pour utiliser les fréquences 5G terrestres, mais aussi réduire la latence et la consommation d’énergie. « Cette orbite présente de nombreux challenges : il y reste des résidus d’atmosphère qui peuvent faire chuter le satellite et mettent ses revêtements à rude épreuve, explique Xavier Deplancq. Nous n’avons jamais lancé de satellite à cette altitude, ce projet nous offre une précieuse opportunité d’améliorer nos connaissances mutuelles. »
Lauréat d’un appel d’offre France 2030 mis en œuvre par le CNES pour le compte de l’État, UNIVITY a désormais un nouvel objectif : mettre en service pour la première fois un démonstrateur bout-en-bout de télécommunication spatiale 5G régénérative d’ici mi 2027 grâce à deux satellites déployés à très basse orbite. « La 5G régénérative consiste à traiter le signal à bord, ce qui permet de limiter la complexité du réseau de télécommunication, explique Benoist Loscul. Mais la puissance de calcul nécessaire à bord du satellite est l’une des complexités à adresser. »
Le coût du projet porté par UNIVITY s'élève à 51 millions d’euros, dont 31 millions d’euros sont assurés par l’État. « Le démonstrateur uniShape comportera deux satellites que nous allons assembler, des terminaux utilisateurs et des passerelles, précise Benoist Loscul. Le CNES va nous apporter un important support technique, c’est extrêmement important pour nous et cela appuie notre crédibilité auprès des opérateurs télécom terrestres.” Xavier Deplancq précise : « En tant que maître d’ouvrage, le CNES mobilise une équipe technique composée d’experts satellite, charge utile et système pour ce projet. Notre rôle est d’accompagner UNIVITY dans le développement de ce projet, avoir un œil critique sur ce qu’ils font et leur faire part de nos retours d’expérience. Il est très important pour nous de soutenir l’écosystème français et européen, notamment dans un secteur monopolisé par les acteurs asiatiques et américains. »
Le plan France 2030
Lancé en 2021, le plan France 2030 prévoit 54 milliards d’euros d’investissements publics sur cinq ans. Doté d’un budget conséquent, le volet Espace a vocation à hisser la France au rang de leader mondial tout en renforçant son autonomie stratégique. Il est opéré conjointement pour le compte de l’État par le CNES et Bpifrance. Le CNES a la responsabilité d’identifier les marchés émergents, de proposer des feuilles de route pour stimuler l’innovation et la recherche de solutions industrielles dans ces domaines, puis de réaliser les appels d’offres correspondants. Le CNES joue aussi un rôle de synthèse des besoins des différents acteurs publics potentiellement intéressés par l’utilisation de la donnée spatiale, avec un objectif de commande auprès d’industriels.