Publié le 18 novembre 2025

BCMA : dans les coulisses de 30 ans de mesures d'antennes spatiales

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Au CNES, une pièce spéciale accueille depuis 30 ans les tests des antennes avant leur mission spatiale, pour garantir ensuite la liaison avec satellites et sondes d’exploration. Bienvenue à la BCMA !

© CNES/GRIMAULT Emmanuel, 2018

À première vue, l’intérieur de la Base compacte de mesure d’antennes (BCMA) du CNES ressemble à un impressionnant vaisseau spatial, rappelant celui du roman Rendez-vous avec Rama d’Arthur C. Clarke. Mais les milliers de pointes absorbantes qui tapissent presque entièrement les parois de la salle ne sont pas uniquement là pour le décor : elles jouent un rôle clé dans la validation des systèmes antennaires, indispensable à la communication spatiale.

Ici, l’agence spatiale française teste les antennes des satellites — et parfois des sondes interplanétaires, comme celle illustrant cet article — afin de vérifier qu’elles seront en mesure de communiquer parfaitement avec la Terre lorsqu’elles auront quitté notre planète. 

La chambre anéchoïque du Centre spatial de Toulouse est un lieu exceptionnel où la transmission d’ondes électromagnétiques entre deux antennes est maîtrisée. Depuis l’espace, l’antenne d’un instrument doit être capable de transmettre les données de manière fiable. Avant de s’envoler, cette antenne va subir sur Terre une série de test afin de s’assurer de la robustesse de son fonctionnement. Un de ces tests consiste à évaluer les performances en rayonnement de l’antenne, et c’est le cœur de métier de la BCMA. Afin de s’affranchir de la pollution électromagnétique (et réciproquement pour ne pas perturber les systèmes opérationnels), la BCMA est donc conçue comme une cage de Faraday  : aucune onde extérieure ne peut entrer, aucune ne peut en sortir.

A l’intérieur, les parois sont tapissées de cônes en mousse chargés en carbone afin d’absorber les ondes et éviter les réflexions. « Cette configuration nous permet d’avoir un chemin d’onde unique, résume Bertrand Marty, responsable du service antennes de la BCMA. Si un signal rebondit quelque part, les données mesurées sont perturbées. »

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Une salle, trois éléments clés

Le principe de la BCMA repose sur une architecture aussi monumentale que précise :

  • Une source, qui émet une onde électromagnétique, allant de quelques dizaines de MHz (la fréquence radar) à plusieurs centaines de GHz en direction du réflecteur.
  • Un réflecteur géant : une base de 48 tonnes composée d’acier usiné dans la masse, qui transforme l’onde sphérique en onde plane.
  • Un positionneur, bras robotisé qui maintient l’antenne à tester et l’oriente précisément dans les directions à mesurer.

L’objectif est de reconstituer le diagramme de rayonnement de l'antenne, la « carte » qui révèle comment le système capte et émet les ondes électromagnétiques en 3 dimensions.

Bertrand Marty

  • responsable du service antennes
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« C’est ainsi que l’on vérifie, par exemple, qu’un rover martien pourra envoyer ses données, même si ses panneaux solaires ne se déploient pas comme prévu », précise Bertrand Marty. Un scénario qui a précisément été testé à la BCMA pour le rover MMX, dont le lancement est prévu fin 2026.

Chaque antenne spatiale répond à une mission : communiquer, envoyer des signaux radar ou garantir la collecte rapide des données... On mesure alors les performances en rayonnement de l’antenne afin de vérifier son comportement attendu suite à sa conception et fabrication. Par exemple, si un satellite n’est visible que trois minutes depuis une station sol, l’antenne doit être capable de transmettre tout son contenu dans ce laps de temps.

Un savoir-faire stratégique

Créée il y a 30 ans avec le soutien de la Direction générale de l'armement (DGA), la chambre de la BCMA accompagne aujourd’hui la majorité des projets antennaires du CNES, mais aussi des missions de défense, des thèses de recherche, des projets industriels, et même des startups. Récemment, le futur opérateur global français de services internet par satellite Univity, y a fait tester des antennes pressenties pour ses terminaux.

Cette polyvalence repose sur l’expertise interne et sur une grande agilité. Chaque campagne nécessite une configuration spécifique. 

La chambre de la BCMA, avec ses dimensions imposantes, peut donc accueillir antennes embarquées, mais aussi certaines antennes sol innovantes, y compris les antennes actives utilisées par les satellites de télécommunication, capables de suivre électroniquement un satellite sans mouvement mécanique.

Mais au-delà du matériel, la force du BCMA, c’est son équipe ! Conseil aux projets, conception de prototypes, optimisation des tests… « Notre rôle est de traduire le besoin de nos interlocuteurs en mesures », souligne Bertrand Marty. 

Avec la montée en puissance des projets spatiaux, la demande ne cesse de croître, faisant de la BCMA un maillon discret, mais essentiel, de l’infrastructure spatiale européenne.

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