À première vue, difficile d’imaginer un lien entre un voilier de course et le CNES. Et pourtant, à l’occasion de la Transat Café L'Or, deux balises pédagogiques voguent sur l’Atlantique.
« Le principe, explique Estelle Raynal, ingénieure chargée de projets éducatifs environnement & climat au CNES, est de montrer l’utilisation concrète des satellites dans les courses à la voile, et d’intéresser les enseignants et les élèves à un domaine où le CNES n’est pas forcément attendu. »
Accrochées à des voiliers, les balises Argos — poétiquement baptisées Émeraude et Zéphyr par des écoliers —, communiquent à intervalles réguliers leur position. Ainsi, les élèves participant au projet Régate et Satellites, le dernier né de la mission éducative Argonautica lancée par le CNES en 2000, peuvent observer le trajet des bateaux, analyser la dynamique des océans ou encore comprendre comment les courants influencent leur route.
Des classes dans le sillage des skippers
Pour cette édition, près de 200 classes réparties dans la France entière peuvent suivre les balises des bateaux sur la plateforme Argonautica.
Sur la carte, les points de position des balises apparaissent semaine après semaine. Les élèves apprennent à lire les coordonnées, repèrent les tourbillons océaniques, questionnent les anomalies et développent leur sens critique. L’objectif n’est pas seulement de faire de la science, mais de faire vivre la démarche scientifique.
Dans une démarche d’accessibilité, l’utilisation des données satellites est simplifiée pour en fluidifier la lecture.
Une démarche nécessaire, explique Estelle Raynal : « Les données transmises par les satellites Copernicus sont publiques, mais difficiles à exploiter pour un non-spécialiste. Notre objectif est de les rendre compréhensibles pour les enseignants et les élèves. »
Les satellites, compagnons indispensables
Derrière cette initiative ludique et pédagogique se cache une réalité très concrète : les satellites sont devenus indispensables à la navigation moderne.
Cette technologie permet aux skippers de télécharger les données météo, partager l’aventure sur les réseaux, rester en lien avec leurs proches, transmettre leurs positions ou encore assurer leur sécurité grâce aux systèmes Argos et Cospas-Sarsat.
Le public ignore souvent à quel point les satellites sont devenus omniprésents dans notre quotidien. S’ils me citent souvent l’exemple du GPS, peu de gens ont conscience que de la télécommunication à la météo ou les secours… tout passe aujourd’hui par l’espace !
- Chargée de projets éducatifs environnement & climat au CNES
Pour les navigatrices et les navigateurs, les régates représentent donc une aventure technologique. Si certaines équipes utilisent pour le chargement des données et les communications le système américain Starlink, d’autres leur ont préféré l’alternative OneWeb afin de combiner performance, consommation énergétique et savoir-faire européen.
C’est pour soutenir cette démarche que le centre CESARS (le centre de support et d'expertise pour les usages en télécommunications par satellite) du CNES joue un rôle discret mais déterminant au cœur de la Transat Café L’Or.
« Nous avons accompagné Armel Tripon, le skipper de l'équipe Les P’tits Doudous, et équipé l’IMOCA du système OneWeb, qui repose sur une constellation d’environ 650 satellites en orbite basse, tout en affichant une consommation mesurée de 200 à 300 W et une latence de 80 à 100 ms », détaille Stéphane Rozes, responsable des télécommunications maritimes au sein du centre CESARS.
En parallèle, CESARS s’offre un terrain d’expérimentation grandeur nature : la traversée sert à évaluer l’efficacité du système, en attendant le déploiement complet du réseau prévu en 2026, tandis qu’un second dispositif — la solution VesseLINK de Thales, fonctionnant avec le service Certus d’Iridium — est testé pour pallier le trou de couverture actuel dans l’Atlantique. Les premiers retours étant prometteurs, cette démarche a suscité l’intérêt d’autres skippers, venus à leur tour solliciter CESARS pour découvrir la solution OneWeb.
La science au service du sport
Vous l’aurez compris : pour le CNES, la Transat Café L’Or n’est pas qu’une course maritime. Outre son implication au plus près des navigateurs, c’est également une vitrine pour la science et l’éducation, afin de faire comprendre au public le rôle essentiel que jouent les satellites. Y compris dans des domaines inattendus comme les courses au large.
Et pour les compétiteurs, c’est une fierté d’y contribuer, comme l’explique la skipper Francesca Clapcich, de l’équipe 11th Hour Racing : « Pouvoir soutenir la science et l’éducation marine pendant une course nous rappelle que le sport peut être une force positive reliant ce que nous aimons et ce que nous devons protéger. »
Son co-skipper, Will Harris, se dit également ravi d’« embarquer » les écoliers sur l'IMOCA à travers l’océan Atlantique : « C’est incroyable de savoir que des classes vont suivre notre aventure en temps réel. Ils verront comment la technologie et l’aventure peuvent travailler ensemble pour mieux comprendre notre planète et, espérons-le, seront inspirés à explorer eux-mêmes la science et la mer. »
« On aime rappeler que les satellites ne servent pas qu’à pointer vers le ciel, conclut Estelle Raynal. Ils nous aident aussi à regarder la Terre, à la protéger et à mieux la comprendre. »