Au large de la Guinée-Bissau, l’archipel des Bijagos forme un vaste éventail d’îles posé entre terre et mer. Ce paysage, façonné par l’ancien delta du Rio Gueba, est un véritable laboratoire naturel où s’entrelacent savanes, mangroves, dunes et chenaux. À travers l’observation de ce milieu, on découvre comment l’eau, les sédiments et la végétation interagissent pour créer un environnement riche et complexe.

Cet éventail de terres posé sur la mer mesure environ 34 km d’ouest en est et 20 km du nord au sud. Il est formé de trois grandes îles principales : l’Ilha de Orangozinho à l’est, l’Ilha Bubaque au centre et l’Ilha de Orango, la plus vaste, à l’ouest. Ces îles font partie de l’archipel des Bijagos, un ensemble de plus de 80 îles et îlots (certaines sources parlent de près de 100), dont une dizaine seulement sont habitées de manière permanente. L'archipel constitue une biosphère unique, inscrite au patrimoine de l'UNESCO depuis 1996 pour sa richesse écologique et culturelle.
Nous sommes ici en Afrique de l’Ouest, sur le littoral de la Guinée-Bissau. Ce site géographique remarquable correspond à l’ancien delta du Rio Geba (ou Gêba), un fleuve côtier important de la région. Ce delta, large de 175 km et pénétrant l’océan Atlantique sur près de 100 km, est le résultat d’une interaction ancienne entre dynamiques fluviales et marines. Il est aujourd’hui fortement transformé en delta estuarien, typique des zones tropicales humides, et découpé en une mosaïque d’îles, de bras d’eau et d’îlots, dont l’ensemble Bolama-Bijagos est le prolongement maritime le plus avancé.
À fleur d’eau, ces îles s’inscrivent dans un milieu amphibie, c’est-à-dire à l’interface entre terre et mer. Les marées semi-diurnes, avec une amplitude pouvant atteindre 3 à 4 mètres, jouent un rôle fondamental dans la structuration du paysage. Elles découvrent régulièrement un vaste estran – zone littorale temporairement émergée – constitué de bancs de sable clair, de vasières et de mangroves. Ces marées contribuent aussi à l’animation d’un réseau complexe de chenaux et de bolongs, qui tantôt isolent, tantôt relient les différentes îles en fonction du niveau de l’eau.
Les milieux naturels sont très différenciés selon l’altitude et l’humidité. Les parties les plus élevées, souvent à quelques mètres seulement au-dessus du niveau de la mer, accueillent des savanes arbustives et quelques zones cultivées. Ces terrains bruns, bien drainés, sont les seuls véritablement habitables. Les zones basses sont quant à elles occupées par des mangroves, forêts marécageuses caractéristiques des zones tropicales côtières. Elles jouent un rôle écologique majeur : elles fixent les sols, atténuent les effets des tempêtes et offrent un habitat essentiel à de nombreuses espèces de poissons, crustacés et oiseaux migrateurs.
Les dynamiques géomorphologiques sont particulièrement actives. Le brassage permanent entre l’eau douce et l’eau salée, combiné aux marées et aux apports sédimentaires du Rio Geba, entraîne des processus d’érosion et de dépôt spectaculaires. Les particules fines en suspension modifient la couleur de l’eau, qui varie du turquoise au bleu foncé selon la profondeur, la salinité et la concentration en sédiments. Au sud et au sud-ouest de l’Ilha de Orango, on observe d’importants cordons sableux et flèches littorales, signes d’un processus d’accumulation dunaire actif, favorisé par les courants côtiers et le vent.
Enfin, il convient de souligner que malgré leur isolement, ces îles abritent une biodiversité exceptionnelle, notamment des espèces endémiques comme l’hippopotame marin (Hippopotamus amphibius), présent dans les mangroves, ou encore des colonies de tortues marines qui viennent y pondre. Les populations humaines, bien que peu nombreuses, vivent en forte interaction avec cet environnement fragile, suivant des pratiques agricoles, halieutiques et culturelles adaptées à ce contexte insulaire spécifique.