5 Décembre 2014

Des résultats à venir pour PTOLEMY

Ian Wright, principal investigateur de l’instrument PTOLEMY sur Philae, vient de confirmer que celui-ci avait correctement fonctionné lors du 1er rebond de l’atterrisseur et une fois celui-ci posé sur le noyau de 67P/Churyumov-Gerasimenko. Les résultats seront longs à analyser mais Ian Wright confirme d’ores et déjà la présence de composés organiques.

Un signal très riche

Ian Wright. Crédits : Open University.
Ian Wright. Crédits : Open University.

Ian Wright (Open University, Milton Kenes, Royaume-Uni), principal investigateur de PTOLEMY, vient d’annoncer lors d’un entretien exclusif à la BBC que cet instrument installé sur Philae a parfaitement fonctionné : « Nous pouvons affirmer avec une certitude absolue que nous avons enregistré un signal très riche provenant de composés organiques. Ce n’est pas juste un ou 2 pics dans un spectre, c’est un spectre avec beaucoup de pics et, parfois, les composés organiques complexes produisent cela. »

PTOLEMY est un analyseur de gaz installé sur Philae. Il devait notamment fonctionner en analysant des échantillons prélevés au sol par le sous-système SD2 (Sampling, Drilling and Distribution), mais les conditions de l’atterrissage n’ont pas permis ce mode opératoire. En revanche, PTOLEMY a pu analyser des échantillons des gaz captés ou « reniflés » lors du 1er rebond de l’atterrisseur et une fois que celui-ci a été immobilisé à la surface. Et, là, les résultats semblent prometteurs.

L’objectif principal de cet instrument est de comprendre la géochimie des éléments légers, tels que l’hydrogène, le carbone, l’azote et l’oxygène, en déterminant leur nature, leur distribution et leur composition en isotopes stables. Pour atteindre ce but, PTOLEMY est équipé d’un chromatographe en phase gazeuse et d’un spectromètre de masse. Ces 2 senseurs permettent de séparer les molécules d’un mélange gazeux selon deux principes physiques différents : la masse pour l’un et leur affinité a progresser dans une fine colonne pour l’autre. Ce mélange pouvant être récupéré tel quel ou obtenu à partir du chauffage d’un échantillon.

Dans le cas présent, si des échantillons avaient pu être prélevés en surface et disposés dans l’un des micro-fours en forme de godet dont dispose Philae, ils auraient été chauffés jusqu’à 800°C avant d’être analysés par PTOLEMY. Mais, étant données les conditions de l’atterrissage et le risque de déstabiliser Philae lors du prélèvement d’un échantillon, les responsables de l’atterrisseur ont décidé de n’effectuer qu’une seule tentative de forage à la fin de la 1ere séquence scientifique, et il a alors été choisi d’utiliser COSAC plutôt que PTOLEMY. D’une part, parce que COSAC consommait moins d’énergie, un critère important puisque la pile était presque épuisée ; d’autre part, parce que PTOLEMY pouvait également fonctionner en analysant des échantillons récupérés dans l’environnement cométaire immédiat, et c’est bien ainsi qu’il a finalement pu obtenir des résultats.

De l'eau et des composés organiques

Entre le 12 et le 14 novembre, PTOLEMY a fonctionné à 8 reprises. Il faut noter que PTOLEMY était programmé pour fonctionner juste après l’atterrissage et qu’il a donc réalisé sa 1ere analyse près de 9 min après le rebond sur le site Agilkia, alors que Philae était en mouvement. Les spectres de masse obtenus alors révèlent la présence d’eau et de nombreux composés à base de carbone. PTOLEMY a ensuite été activé à 4 reprises le 13 et à 3 reprises le 14, à différents moments du jour cométaire (jour, nuit, crépuscule), et les spectres réalisés signalent essentiellement de l’eau et très peu de composés organiques.

La dernière utilisation de PTOLEMY, le 14 novembre à partir de 22h38 UTC, a consisté à chauffer à près de 200°C l’un de ses micro-fours pour vaporiser et analyser les matériaux qui auraient éventuellement été collectés lors de l’atterrissage. Cette dernière analyse s’est achevée seulement 45 min avant la mise en hibernation de Philae et de nombreux spectres ont été obtenus et transmis sur Terre à la dernière minute via Rosetta.

Les données devront être soigneusement analysées avant que des résultats définitifs puissent être communiqués et cela prendra du temps, sans doute plusieurs mois, car PTOLEMY a fonctionné dans des conditions qui n’étaient pas prévues. Il est donc nécessaire de réaliser des simulations et des tests en laboratoire avant d’être sûr de la manière dont ces données doivent être interprétées.

Ian Wright explique que ses collègues et lui vont se consacrer en 1er lieu à l’étude des analyses effectuées juste après le 1er impact avec la surface. Ils pensent qu’il sera extrêmement instructif de comparer les résultats de PTOLEMY avec ceux de COSAC, qui a fonctionné à peine un quart d’heure plus tard et dont Fred Goesmann, son principal investigateur, a dit récemment qu’ils révélaient la présence de molécules organiques complexes contenant au moins 3 atomes de carbone.

Il sera également intéressant de comprendre comment la proportion des composés organiques plus ou moins complexes détectés par PTOLEMY a évolué en fonction du site de prélèvement. Rappelons que cet instrument a été activé à plusieurs reprises alors qu’il était encore attaché à Rosetta et que la sonde se situait à 15 000 km, 13 000 km, 30 km, 20 km et 10 km du noyau.

Ian Wright a ainsi conclu son entretien à la BBC : « Si vous me demandez si nous avons fait tout ce que nous aurions pu faire, je vous répondrai non. Mais je reste optimiste sur le fait que Philae puisse se réveiller et que nous parviendrons à faire d’autres analyses. »

 

Rosetta est une mission de l’ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l’atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta est la 1ere mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d’une comète, à l’escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface.