19 Novembre 2020

[Vendée Globe 2020] L’altimétrie à la chasse aux icebergs

Entre la voile et l’espace, les liens sont beaucoup plus étroits qu’on pourrait le penser. Tout au long du Vendée Globe, des femmes du spatial livrent leur journal de bord en lien avec la course légendaire. Dans cette première page, les réflexions de Sophie Coutin-Faye, responsable de la filière altimétrie au CNES.
 
Journal de bord #1 - Sophie Coutin-Faye

Aujourd’hui 19 novembre, cela fait 11 jours que les navigateurs du Vendée Globe ont quitté les Sables-d’Olonne pour un tour du monde en solitaire qui les mènera sur les mers les plus hostiles du monde. Dans quelques semaines, ils atteindront les latitudes du sud où il leur faudra éviter les pièges de glace. Difficile d’imaginer les conditions extrêmes qu’ils devront affronter en voyant la douceur des températures de ces derniers jours à Toulouse. 

Les technologies spatiales leur seront d’une grande aide pour éviter les zones les plus dangereuses. L’altimétrie en particulier, la filière satellitaire dont je m’occupe au CNES, joue un rôle essentiel pour détecter les icebergs qui menacent de croiser la route des bateaux. Cette application concrète illustre bien les bénéfices dérivés que peut apporter le spatial au quotidien. 

L’altimétrie au CNES, c’est une histoire de 30 ans. L’objectif initial était d’observer la dynamique océanique, le mouvement des masses d’eau, puis nous nous sommes concentrés sur l’évolution du niveau moyen des océans, qui est devenu une variable climatique essentielle. Pour simplifier, le principe de la mesure altimétrique consiste à émettre vers l’océan une onde depuis un satellite dont on connait la position à quelques millimètres près et à mesurer son temps de trajet retour. On en déduit ainsi la hauteur de la surface de l’eau survolée par le satellite. 

Quel rapport avec les icebergs ? Quand le faisceau de l’altimètre rencontre une montagne de glace, cela entraîne une modification du spectre, qu’il faut analyser pour en conclure qu’il s’agit bien d’un iceberg. Ces données que nous fournissons viennent compléter les mesures radar de Sentinel 1 qui permettent à CLS de déterminer des zones de danger avant le départ et de les actualiser tout au long de la course.

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Forme d'onde « déformée » par la présence d'un iceberg (cercle gris). Crédits : CNES

Pour le Vendée Globe, les données altimétriques proviennent des satellites Jason 3 et SARAL du CNES, ainsi que les satellites Sentinel 3 du programme Copernicus de la Commission Européenne. Cela ne nécessite pas de programmation particulière puisque ces satellites émettent en permanence des échos le long de leurs orbites. Les équipes de CLS les utilisent avec les qualités propres à chacun pour confirmer leurs observations. On ne peut bien sûr pas tout voir, notamment des icebergs de longueur inférieure à 200m mais la détection de gros icebergs permet de déduire la présence de kyrielles de plus petits, redoutables pour la sécurité des navigateurs.

A l’évidence, nous ne pourrions pas déployer des satellites altimétriques pour cette seule utilisation, mais je trouve très intéressant d’avoir des applications aussi inattendues que la sécurisation d’une course au large. Alors que les navigateurs approchent de la zone antarctique, leur utilisation contribue à proposer un service qui n’a pas d’équivalent. Et c’est vraiment utile, parce que les risques sont grands.

 Pour paraphraser Olivier de Kersauzon : “En mer, un iceberg a priorité à tribord... mais à bâbord également.” Il faut donc tout faire pour éviter les mauvaises rencontres !

Sophie Coutin-Faye

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Sophie Besnard Crédits : CLS

Vous en voulez encore ?

Découvrez le Journal de Bord #2 de Sophie Besnard (CLS) sur le suivi des glaces pendant la course. #VG2020

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Sophie Coutin-Faye Crédits : CNES


Le role du cnes

Le CNES a développé une expertise historique dans le domaine de l’altimétrie, en lançant la mission TOPEX-Poséidon avec la NASA, en 1992, puis la filière Jason à partir des années 2000, dont le troisième satellite, Jason 3, est toujours opérationnel. Il est également un partenaire majeur de Jason CS/Sentinel 6 développé dans le cadre du programme européen Copernicus, et il travaille avec la NASA sur la nouvelle génération de satellite altimétrique SWOT, qui sera lancée en 2022.


cls et le vendée globe

CLS, filiale du CNES, partenaire historique du Vendée Globe, met au service de la course son expertise en traitement de données satellitaires radar, altimétriques (technologie dédie à la mesure de la hauteur de mer, technologie portée par le CNES utilisée par CLS pour pré-détecter les icebergs) et en modélisation de courants océaniques pour détecter la présence et prévoir la dérive des icebergs tout autour de l’Antarctique. Sur les 3 dernières éditions du Vendée Globe, plusieurs dizaines d’icebergs, pouvant menacer le parcours des skippers, ont été détectés par CLS. CLS a pour mission de détecter les zones les plus dangereuses. Elle définit en collaboration avec la direction de course la zone exclusive antarctique. L’entreprise met ses meilleures équipes au service de la course et de sa sécurité.