Le rover Rashid (ici en test au Centre Spatial de Toulouse) a été lancé avec succès par le lanceur Falcon 9 de SpaceX le 11/12/2022. Il est embarqué sur l’atterrisseur japonais HAKUTO-R M1. Crédits : CNES/QuisProduction/QUIGNAUX Frédéric, 2022.
TROIS CAMÉRAS CASPEX À BORD
Objectif Lune ! Lancé depuis Cap Canaveral le 11/12/2022, le rover Rashid doit alunir le 25/04/2023. Pendant près d’un jour lunaire – soit 14 jours terrestres – il va scruter les roches et paysages lunaires grâce à 3 caméras CASPEX fournies par le CNES (2 caméras grand champ et 1 microscope). Menée par le Mohammed Bin Rashid Space Center (MBRSC) et embarquée à bord de l’atterrisseur de la société japonaise iSpace, cette mission baptisée « Emirates Lunar Mission » va capter des images inédites en full HD (2000x2000 pixels) et en couleur de la face visible de la Lune.
Un véritable écosystème international se réunit autour du rover. Les équipes du CNES apporteront un soutien opérationnel aux émiratis, comme l’explique Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire : « Nous avons acquis un savoir-faire opérationnel grâce aux missions martiennes Curiosity, InSight et Perseverance, que nous allons mettre à profit pour cette mission. » Alors que la mission InSight vient de se terminer, notre centre opérationnel FOCSE – et notamment une partie des locaux dédiés à InSight – va être utilisé pour la Emirates Lunar Mission.
Autre acteur majeur de la mission, le Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques (CRPG) est aussi fortement impliqué dans la phase opérationnelle. « Deux collègues et moi-même seront présentes en permanence au centre de contrôle du MBRSC à Dubaï, raconte Jessica Flahaut, chargée de recherche au CRPG. En tant que géologues, nous déciderons des observations à réaliser. » En pratique, le rover communiquera en continu ses images, sur lesquelles se baseront les scientifiques pour piloter l’instrument. « Notre but : répondre au mieux aux différents objectifs scientifiques de la mission », appuie Evelyn Füri, chargée de recherche au CRPG.
Francis Rocard est responsable des programmes d’exploration du Système solaire au CNES. Crédits : CNES/PEUS Christophe, 2021.
3 caméras CASPEX (pour CAmera for SPace EXploration) équipent le rover Rashid. Développées par le CNES, ces caméras reposent sur la technologie CMOS utilisée dans les smartphones. Elles sont qualifiées pour l’exploration spatiale et équipent de nombreux satellites et rovers. Crédits : CNES/DE PRADA Thierry, 2022.
MIEux connaitre la géologie lunaire
Malgré sa courte durée de vie, le rover Rashid ambitionne de répondre à différentes questions scientifiques. Quelle est la taille des grains qui recouvrent la surface (le régolithe) lunaire ? De quoi sont-ils composés ? Comment se déplacent-ils ?
Le rover embarque une caméra microscopique qui nous fournira des mesures in situ, c’est comme si nous emmenions un microscope sur la Lune !
Evelyn Füri, chargée de recherche au CRPG.
Grâce à la mobilité du rover, ces images permettront d’évaluer pour la première fois l’impact de l’alunissage sur le régolithe. Grâce au soutien financier du CNES, le CRPG a développé des algorithmes dédiés à la détection automatique des particules au cours du déplacement du rover. « Nous espérons également rencontrer des rochers voire un mur de cratère, confie Jessica Flahaut. Les caméras CASPEX vont nous offrir une vision inédite de matériaux potentiellement jamais vus sur la Lune. »
Ces nouvelles connaissances de la géologie de la Lune sont cruciales à l’avancée de la recherche scientifique, dont nous le CNES se porte garant. « Quand le MBRSC nous a demandé de créer une équipe scientifique, nous avons tout de suite pensé au CRPG et à Jessica Flahaut, déjà très expérimentée dans les missions lunaires », se souvient Francis Rocard. Le CRPG a eu un rôle crucial dans la définition des objectifs scientifiques de la mission. Les équipes chevronnées disposent déjà d’échantillons et données issues des missions Apollo, Chang’E 4 ou encore Lunar Reconnaissance Orbiter, qu’ils pourront comparer aux nouvelles images pour mieux les interpréter.
4 sites d’alunissages ont été sélectionnés par le CRPG. Ils présentent tous un intérêt scientifique majeur. Crédits : CRPG/MBRSC/TUD for the images/, 2022.
Mais la mission de Rashid ne s’arrête pas là. En embarquant pour la première fois des caméras CASPEX sur la Lune, le rover va permettre d’évaluer leur résistance à une nuit lunaire … soit – 180°C ! « Le MBRSC nous a sollicité pour participer à cette mission en 2019, raconte Francis Rocard. Nous y avons vu l’opportunité d’emmener nos caméras CASPEX sur la Lune, de fournir notre savoir-faire technique et d’en faire profiter la communauté scientifique. » Quant à la caméra fixée à l’arrière du rover, elle permettra d’étudier l’interaction entre les roues et le sol lunaire. Ces informations faciliteront l’amélioration des rovers du futur.
DIRECTION LE CRATÈRE ATLAS
L’ensemble des équipes n’attend désormais qu’une chose : l’arrivée du rover sur la Lune. 4 sites d’alunissages ont été présélectionnés. « Nous nous sommes appuyées sur de nombreuses données, les sites répondent en effet à un ensemble de critères techniques et scientifiques », témoigne Jessica Flahaut, habituée à l’exercice grâce à de précédentes missions sur Mars et la Lune. Le cratère Atlas figure en haut de la liste. Si Rashid y atterrit, la mission sera la toute première à arriver dans un cratère lunaire ! Le rover pourrait également alunir sur Oceanus Procellarum, Sinus Iridum ou encore Lacus Somniorum. « Chacun de ces sites présente un intérêt scientifique particulier, complète Evelyn Füri. Nous avons cherché à maximiser la diversité géomorphologique et géologique pour récupérer le plus d’informations possible. »
Les précieuses images seront soigneusement traitées par le service qualité image du CNES. « Les images brutes doivent être corrigées de différents paramètres, détaille Francis Rocard. Nos équipes disposent déjà des outils (solution CASPIP) et de l’expertise pour réaliser ce traitement rapidement. Elles interviendront en temps réel depuis le centre d’expertise dédié à Toulouse. » L’ensemble de la communauté scientifique pourra alors disposer des images pour faire avancer la recherche. Rendez-vous le 25/04 pour suivre les premiers « pas » de Rashid sur la Lune !