26 Mai 2017

Reconstruction d'Haïti : des satellites en coulisses

Une plateforme du CNES diffuse, depuis fin mai 2017, des images satellitaires pour aider à la reconstruction d'Haïti après le passage de l'ouragan Matthew en octobre 2016. Cette plateforme est la concrétisation du projet Recovery Observatory. Son objectif ? Poursuivre l'engagement des agences spatiales après des catastrophes naturelles majeures, loin du feu médiatique des premiers jours.

La ville des Cayes vue par un satellite Pléiades le 7 octobre 2016 après le passage du cyclone Matthew. Crédits : CNES 2016, Distribution Airbus DS.

Cyclone, séisme, tsunami,… C'est devenu une – triste – habitude : après chaque grande catastrophe naturelle, les satellites de la Charte internationale ''Espace et catastrophes majeures'' ou ceux activés par Copernicus EMS sont immédiatement sollicités pour acquérir des images afin d'évaluer les dégâts, aider à la logistique et à la coordination des secours engagés sur les zones touchées. Ces activations se font de plus en plus vite et avec de plus en plus d’efficacité. Mais une fois les interventions rapides prodiguées, il reste souvent une région, un pays à reconstruire. La technologie spatiale peut encore aider.

L'ouragan Matthew observé le 6 octobre 2016 par le satellite américain GOES-East

L'ouragan Matthew observé le 6/10/2016 par le satellite américain GOES-East. Crédits : NASA/NOAA GOES Project.

Un observatoire de la reconstruction

Initié par le CNES, le projet Recovery Observatory s'est donné pour objectif d'accompagner cette reconstruction sur le long terme en mettant à disposition des acteurs locaux des produits satellitaires pertinents sur plusieurs années.

« Notre objectif est de contribuer à la reconstruction mais aussi au développement durable et à la résilience des zones touchées » précise Hélène de Boissezon, représentante du CNES au sein du comité directeur de la Charte et porteuse de ce projet réalisé au sein du CEOS (Comité sur les satellites d'observation de la terre).

Zoom sur les Cayes (Haïti). Crédits : CNES 2016, Distribution Airbus DS.

Haïti comme pays pilote

Haïti est le pays pilote de cet ''observation de la reconstruction''. L'ouest du pays a été dévasté par le passage de l'ouragan Matthew le 04/10/2016. Les images satellites, notamment des Pléiades, ont montré des dégâts incommensurables sur un territoire qui peinait déjà à se relever du tremblement de terre de 2010 et de l’ouragan Sandy en 2012.

« Les enjeux sont très divers. Il y a bien entendu le suivi de la reconstruction effective : les routes, les ponts mais aussi les pistes utilisées par la population pour aller vendre leurs productions agricoles au marché voisin. Il y a ensuite la dynamique du repeuplement des zones sinistrées. Suite au passage de Matthew, de nombreux habitants des montagnes se sont installés sur les zones côtières et à Port au Prince. Sont-ils depuis remontés ou subsiste-t-il un habitat précaire dans des zones dangereuses comme des lits de rivières ? Ces informations sont très importantes pour les gestionnaires haïtiens. Or, ils n'ont pas les moyens d'avoir facilement accès à ces informations qu'ils souhaitent exhaustives et quantitatives. Ce que donnent les satellites ! » explique Hélène de Boissezon.

Carte des dégâts sur Les Cayes. Les points rouges sont les bâtiments détruits. Crédits : DigitalGlobe 2016, CNES 2016 - Distribution: Airbus Defence and Space, all rights reserved Map produced by ITHACA.

Autres enjeux : l'agriculture et la sécurité alimentaire

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Pourcentage de la surface couverte par la végétation estimée à partir d'une image SPOT-7 acquise le 14/02/2017. Ce travail a bénéficié d'une aide de l'État gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du Programme Investissements d'Avenir pour le projet EQUIPEX GEOSUD portant la référence ANR-10-EQPX-20. Crédits : SERTIT / Airbus DS/ /Spot Image 2017, Production IRD, Irstea, IGN, tous droits réservés.

Depuis fin mai, la plateforme Recovery Observatory du CNES distribue gratuitement aux acteurs haïtiens des cartes détaillant les surfaces des principales cultures et plantations. Ces cartes basées sur des images SPOT-6 et SPOT-7 seront actualisées tous les 6 mois, voire tous les 3 mois en intégrant par la suite des images des satellites européens Sentinel-2. Les yeux perçants des Pléiades sont eux mobilisés pour couvrir les villes, les zones de montagne mais aussi les parcs naturels, comme le parc national de Macaya, réserve de biosphère de l'UNESCO. « L'ouragan Matthew a dévasté des régions où se concentrent les rares forêts primaires du pays. Grâce aux satellites, les acteurs haïtiens et leurs partenaires pourront suivre leur régénération » souligne Hélène de Boissezon. Et d'insister : « Notre projet a été conçu pour répondre aux besoins des acteurs locaux. Notre plateforme leur distribuera des produits qu'ils ont eux-mêmes définis, puis validés sur le terrain. »

Comme la Charte et Copernicus EMS, Recovery Observatory est l'exemple remarquable d’une alliance effective entre la connaissance et l’action.  

Hélène de Boissezon, représentante du CNES au sein du comité directeur de la Charte et porteuse du projet Recovery Observatory

 

UN PROJET INTERNATIONAL

Recovery Observatory est mené avec le soutien de la Banque mondiale, des Nations-Unies, de l’Union européenne et de plusieurs agences spatiales qui mettent à disposition des données satellitaires mais aussi des ressources humaines : le CNES, l’agence spatiale américaine (NASA), coréenne (KARI), européenne (ESA), italienne (ASI), japonaise (JAXA) et russe (Roscomos). Du côté haïtien, les partenaires haïtiens sont le Centre National de l'Information Géo-Spatiale (CNIGS), le Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT) et l'Observatoire national de l’environnement et de la vulnérabilité (ONEV).

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