23 Juin 2020

[Lanceurs] Ariane 6 : à chaque module ses missions

Que se cache-t-il sous les lignes élégantes du nouveau lanceur européen ? Des modules aux fonctions bien précises qui entrent en action successivement à chaque étape du vol spatial. Décryptage.
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Future fusée Ariane 6 dans sa version à 4 boosters. Crédits : ArianeGroup.

Haut de 62 m, le lanceur Ariane 6 est composé de 4 modules principaux, qui jouent chacun un rôle bien précis durant le vol spatial. Pour le décollage et l’essentiel du vol atmosphérique, ce sont les modules ESR (Equiped Solid Rocket) qui assurent la majeure partie de la poussée. Au nombre de 2 sur la version A62 et de 4 sur la version A64, ces modules sont principalement constitués des moteurs P120C, propulseurs à poudre remplis chacun 142 t de propergol solide, exerçant une poussée de 440 t au décollage (pour environ 350 t en moyenne au cours du vol ESR). Environ 134 sec après le décollage, les ESR ont achevé leur mission et sont largués. 

Le LLPM relaie les boosters

Le module LLPM (Lower Liquid Propulsion Module), prend alors le relais. Il est équipé du moteur cryotechnique Vulcain 2.1 (dérivé du moteur Vulcain 2 d’Ariane 5E/CA) situé tout en bas du lanceur, dans la Baie arrière LLPM (VuAB). Celui-ci est alimenté par 154 t d’ergols liquides pressurisés dans deux réservoirs, l’un à hydrogène (LH2), l’autre à oxygène (LOX), positionnés au-dessus du moteur. 

Le moteur Vulcain 2.1 est allumé au sol, et l’ordinateur de bord contrôle son bon fonctionnement avant d’autoriser le lancement. Il assure une poussée de 140 t soit une partie de la propulsion au décollage, et la totalité de la poussée lorsque les ESR ont été largués. Normalement, le lanceur est sorti de l’atmosphère à ce moment-là. 

Eric Ollivet, Technical Officer Ariane 6 Launcher System

Le ULPM porte les charges utiles à destination

Le module LLPM fonctionne pendant environ 470 sec, jusqu’à l’épuisement des ergols contenus dans les réservoirs. C’est alors qu’intervient la séparation des deux étages et que le module ULPM (Upper Liquid Propulsion Module) est à son tour allumé. Ce module propulsif supérieur embarque le moteur Vinci et 30 t d’ergols liquides (hydrogène et oxygène). Il assure la dernière étape du vol propulsé jusqu’à la mise à poste des charges utiles. « La particularité du moteur Vinci est d’être rallumable, c’est-à-dire de pouvoir faire un ou plusieurs boosts, explique Eric Ollivet. Cela permet de réaliser des missions très diverses avec des stratégies optimisées et variables de mise à poste des satellites. » Le vol propulsé du module ULPM dure nominalement environ 15 minutes, auxquelles s’ajoute une phase balistique (non propulsée), laquelle peut durer quelques dizaines de minutes, et jusqu’à plusieurs heures, avec le cas échéant un ou plusieurs rallumages du Vinci, selon les missions et les stratégies de mise à poste des charges utiles.

Enfin, la partie haute du lanceur, le composite supérieur, intègre les charges utiles, c’est-à-dire les satellites : classiquement 1 ou 2 pour les missions les plus courantes, plusieurs pour certaines missions spécifiques. Elles sont portées par une structure spécifique, le LVA (Launch Vehicle Adaptor) pour la charge utile basse, et le DLS (Dual Launch System) pour la charge utile haute (dans le cas d’un lancement double), et encapsulées sous la coiffe de 20 m de haut, dont la fonction est de les protéger des flux aérothermiques pendant le vol atmosphérique. La coiffe est larguée un peu plus de 3 min (190 sec) après le décollage, une fois le lanceur sorti de la haute atmosphère.

Le saviez-vous

Une fois que les charges utiles ont été mises en orbite, leur voyage n’est pas toujours tout à fait terminé. Pour les missions en orbite basse (LEO) ou moyenne (MEO), le module ULPM les place directement sur la bonne orbite. En revanche, pour les missions en orbite géostationnaire (GEO, à 36 000 km d’altitude, principalement pour les satellites de télécommunication), le module ULPM les place sur une orbite dite de transfert, dont le périgée (point le plus proche de la Terre) est situé entre 180 et 250 km de la Terre, et l’apogée (point le plus éloigné) à 36 000 km. Dans ce cas, le satellite doit procéder à une manœuvre dite de circularisation, pour passer de l’orbite de transfert à l’orbite géostationnaire. Il est équipé pour cela de ses propres moyens de propulsion.