2 Mars 2023

Comment le spatial aide à gérer la ressource en eau

Les données satellitaires sont essentielles à l’acquisition d’une connaissance objective de l’état de la ressource en eau douce à toutes les échelles territoriales, permettant de mettre en place des politiques de gestion. Le lancement récent de SWOT et l’arrivée prochaine du satellite Trishna permettront d’aller plus loin.
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L'agriculture est le principal utilisateur de la ressource en eau. Crédits : CACG

Records de chaleur, multiples épisodes de canicule, sécheresse préoccupante dans de nombreuses régions : l’intensité des phénomènes climatiques a marqué l’actualité tout au long de l’année 2022. Ces événements extrêmes ont rappelé, s’il était besoin, l’enjeu de la ressource en eau, à la fois fragile et vitale. Celle-ci est en effet indispensable aux usages domestiques, mais aussi à l’industrie et à l’agriculture, secteur qui représente à lui seul 70% des prélèvements d’eau douce au niveau mondial. Or, la pression sur la ressource s’accentue avec l’augmentation de la population mondiale – 8 milliards d’humains aujourd’hui, potentiellement 10 milliards en 2050 – et les changements climatiques entraînent une modification de la répartition de la ressource dans le temps et dans l’espace, accentuant souvent la fréquences des pénuries dans les zones dejà semi-arides. 

 Le problème est que la répartition des populations et des précipitations ne coïncide pas toujours, et coïncidera de moins en moins du fait des changements climatiques. Certaines régions déjà touchées par les sécheresses, notamment sur le pourtour méditerranéen, connaîtront une accentuation du stress hydrique. 

Philippe Maisongrande, expert thématique surfaces continentales au CNES

Cartographie et modélisations

Pour faire face à ce défi, les décideurs publics comme les usagers de l’eau doivent avoir une connaissance objective des différents éléments qui entrent dans l’équation de la ressource en eau. « La pression sur l’eau résulte de l’écart entre le disponible, qui dépend des précipitations et des stocks modérés par la gestion, et le besoin, c’est-à-dire les différents usages », explique Philippe Maisongrande. Or plusieurs familles de satellites donnent accès à cette connaissance : mesure des précipitations, observation des surfaces continentales avec Sentinel 1 et 2, données gravimétriques avec Grace, observation de l’humidité de surface avec SMOS… Ces différents outils permettent de développer des outils de gestion, notamment dans le domaine de l’agriculture, que ce soit par une cartographie directe de l’environnement (surfaces en eau, niveau de l’eau, surfaces irriguées…), ou bien de manière indirecte par l’intermédiaire de modélisations. Les données de télédétection de Sentinel 1 et Sentinel 2 permettent par exemple de faire le suivi de l’usage des sols et des pratiques agricoles. « Dans le cadre du projet du SCO Space4irrig, financé par le CNES, nous travaillons sur la cartographie des surfaces irriguées au niveau national », précise Valérie Demarez, professeur à l’Université Toulouse III et coordinatrice de Space4Irrig au CESBio (Centre d’études spatiales de la biosphère). L’objectif est de faire un diagnostic des types de cultures et des surfaces irriguées, de réfléchir à une optimisation de la gestion de l’eau et d’évaluer les politiques publiques.

 En couplant les données de télédétection avec des modèles de croissance des cultures, on peut aller plus loin et estimer les besoins de consommation en eau. Nous attendons beaucoup sur ce plan de la future mission Trishna, qui nous aidera à mieux estimer l’évapotranspiration des végétaux. 

Valérie Demarez, CESBio

A partir de 2025, en effet, le satellite franco-indien Trishna apportera la dimension thermique qui complétera les données optiques et radar de Sentinel. « Trishna viendra combler un manque en caractérisant le stress hydrique des végétaux à partir des images thermiques des paysages », ajoute Philippe Maisongrande. Cette évolution contribuera à la précision des modèles de culture pour affiner l’estimation des besoins en eau.

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Valérie Demarez Crédits : DR

Evaluer les  prélèvements et les réserves disponibles

Autre enjeu important, l’estimation des prélèvements liés à l’irrigation bénéficie également de l’apport des technologies spatiales. Toujours au CESBio, un programme de recherche couple télédétection, modèle de croissance des cultures et modèle hydrologique pour étudier l’impact de l’irrigation sur le débit des cours d’eau. Dans le cadre de ce travail mené sur la rivière Gimone en partenariat avec la CACG, les données spatiales sont complétées par des mesures in situ des consommations liées à l’agriculture issues des compteurs communicants. « La comparaison entre les sorties du modèle couplé et les mesures de terrain permet d’affiner le modèle. L’idée est ensuite de pouvoir transposer ce travail sur d’autres territoires », poursuit Valérie Demarez. 

Enfin, une autre problématique essentielle quand on parle de gestion de la ressource en eau touche à l’identification et à la cartographie des réserves. Dans ce domaine, la mission franco-américaine SWOT, lancée en décembre dernier, constitue une avancée importante en  proposant pour la première fois une image altimétrique des eaux continentales. « Avec SWOT, nous allons pouvoir suivre le niveau des lacs et la fluctuation de leur volume, et à partir de la hauteur des rivières, nous calculerons leur débit », ajoute Philippe Maisongrande. Le satellite pourra surveiller à grande échelle les masses d’eau continentales jusqu’à une dimension de 250m sur 250m. Une prochaine mission satellitaire de stéréoscopie prévue pour mars 2024, CO3D, permettra de nouvelles avancées pour cartographier le relief des bassins versants et parfois la bathymétries des lacs et des cours d’eau. 

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Le satellite franco-indien Trishna doit être lancé à l'horizon 2025. Crédits : CNES/ill./REGY Michel

Le rôle du CNES

Historiquement engagé pour le climat au travers de programmes comme SMOS, les satellites Jason, Sentinel, aujourd’hui SWOT ou prochainement Trishna, le CNES mobilise d’importantes ressources techniques et scientifiques, fédère la communauté scientifique et participe à des partenariats internationaux pour développer de nouvelles missions liées à la gestion de la ressource en eau. « En amont, tout ce qui relève de la métrologie, c’est-à-dire de la capacité à avoir des mesures fiables, représente un travail considérable dans lequel le CNES s’est investi depuis des décennies au profit de la recherche et de ses applications », souligne Philippe Maisongrande. Le CNES s’implique également en aval dans le développement d’outils opérationnels basés sur l’utilisation des technologies spatiales, au travers notamment des projets menés dans le cadre du Space Climate Obervatory, comme Space4Irrig.

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