10 Septembre 2021

[CNESMAG] Le métier de ballonnier, un sport collectif

Si on devait donner un adjectif pour décrire les gens qui travaillent dans l'activité ballons du CNES, c'est bien « passionné » que l'on choisirait.
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Chaine de vol de la nacelle Twin. Crédits : © CNES/PRODIGIMA/GABORIAUD Romain, 2021

Que ce soient les météorologues qui suivent les conditions du ciel ou les ingénieurs nacelles pointées à la recherche des filaments de galaxie, les métiers ballons regroupent des personnes manifestement conscientes de leur chance de travailler dans ce secteur.

« Avec les missions ballons, on voit tout de bout en bout, depuis la conception jusqu'au retour d'expérience en passant par les développements et les vols. Il est rare de pouvoir suivre toute la chaîne d'une activité sur une courte période et dans une même structure. Pour les jeunes ingénieurs, c'est très formateur ! », souligne Vincent Dubourg. Entré au CNES en 1989 sur l'activité ballons, celui-ci s'est ensuite consacré aux satellites, avant de revenir à sa passion première il y a 9 ans, en tant que chef de mission, puis sous-directeur de l'activité.

Des spécialités très pointues

« Les ballons sont complémentaires des satellites et des instruments au sol pour certaines mesures mais font aussi de la science par eux-mêmes, explique Vincent Dubourg.

Ils permettent par exemple de réaliser des mesures in situ dans l'atmosphère, de gaz à effet de serre, d'aérosols, et aussi de calibrer et valider certaines mesures faites par les satellites. Nous faisons aussi de l'astrophysique, avec les missions Fireball, Euso, et  Pilot, qui vise à corriger les mesures de Planck sur le fond diffus cosmologique en détectant la contribution des rayonnements des poussières intergalactiques. Après le Canada l'an dernier, nous partons en Australie l'an prochain pour poursuivre les mesures. »

Les ballons se situent entre les avions et les satellites, et permettent d'accéder à l'espace proche jusqu'à 40 km d'altitude. « Par comparaison avec les satellites, les ballons sont moins coûteux, pour un développement généralement plus rapide – 5 ans en moyenne contre 20 ans pour les satellites. »

Au sein de l'équipe ballons, il y a des métiers comparables aux autres activités du CNES, qui s'adaptent aux particularités du domaine, mais aussi des métiers bien spécifiques à l'activité. La physique de vol, par exemple, « pour l'étude des performances du ballon en vol, le calcul de sa trajectoire et de sa fin de vie, précise Vincent Dubourg. Nous nous appuyons aussi sur les compétences d'autres équipes avec lesquelles nous travaillons en étroite relation, par exemple pour l''intégration de certains instruments, l'architecture mécanique et électrique de nos nacelles de servitudes, mais aussi pour les logiciels de vol et la commande-contrôle de nos systèmes. »

Témoignages

Pierre Bergos, chef de lancement : "Un sport collectif"

Arrivé avec une formation de dessinateur, et après 4 ans passés en bureau d’études, Pierre Bergos voulait changer d’air. « L’essentiel s’apprend sur le tas. Ballonnier, c’est un sport collectif », fait-il remarquer. Mécanique, électronique, informatique, communication… tous les savoirs sont complémentaires et nécessaires : « Il faut camper sur ses bases mais les enrichir de l’expertise des autres. » Chaque jour vous confronte à l’aléa technique, aux contraintes scientifiques et aux caprices de la météo… l’interdisciplinarité est la seule clé du succès.

Enfin, faire campagne est une formation continue à la sociabilité : passer des semaines loin de chez soi, c’est accepter, avec ses collègues, une cohabitation autre que les « 10 minutes par jour à la machine à café » ! Pour rester efficace et motivé, rien de mieux que l’esprit d’équipe !

Frédéric Thoumieux, ingénieur météo :
"Très peu nombreux dans le monde"

« Le rôle de la météo est prépondérant. Nous intervenons avant, pendant et après les missions. Les prévisions pour cette activité demandent des paramètres vraiment très précis. On cherche des prévisions à l'heure près, voire à la minute.

De plus, nous ne sommes pas devant un écran en permanence, mais en contact direct avec l'opérationnel. Mon moment préféré reste celui où l'on arrive en salle de contrôle et que l'on a trouvé le bon créneau météo. C'est grisant ! À partir de là, on va se battre pour qu'il soit choisi.

Nous ne sommes pas beaucoup dans le monde à exercer le métier de météorologue ballons. Nous sommes 2 au CNES, 2 à la Nasa, et un seul à la Jaxa. Je me rends compte de la chance que j'ai ! »

Huguette Conessa, responsable physique du vol :
"À la fois simple et compliqué"

« À la physique du vol, on s'occupe de tout ce qui est lié à la trajectoire des ballons. C'est très différent de la trajectoire des satellites, à la fois plus simple et plus compliqué. Simple quand on regarde les équations de base qui se résument à la poussée d'Archimède. Cela se complique quand on pousse un peu plus loin, car on dépend de l'environnement atmosphérique qu'on ne maîtrise pas vraiment. On doit aussi se pencher sur des calculs de thermique avec des notions comme les propriétés thermo-optiques des matériaux, ou la convection liée au fait que le ballon est dans l'air. Ce sont des thèmes qu'on ne rencontre pas sur les satellites.

C'est un domaine encore assez empirique, où l'on n'a pas de modèles précis. Tous les métiers sont un peu entremêlés. On travaille notamment avec des thermiciens, des ingénieurs météo... Ça a un côté « exotique » de travailler ici ! »


danse avec les vents

Le règlement de sauvegarde des bases de lancement de ballons lourds est très strict. Le risque de toucher un individu à l’atterrissage doit être inférieur à 3 pour 100 000.
Chef d’orchestre et financeur des campagnes, le CNES intervient dans la sélection des projets déposés. C’est un comité spécifique, le CTB (Comité Technique Ballons CNES/ CNRS-Insu.), qui décide de la programmation. En s’appuyant sur l’avis des comités scientifiques et des experts techniques, il examine l’opportunité de la demande, son intérêt scientifique ou technologique au regard des thématiques d’actualité et le prolongement possible avec une mission satellitaire.

Le savoir-faire des ballonniers concourt à « la garantie sécurité », exigée par le règlement de la sauvegarde en vol, dont le CNES a délégation d’auto-certification. Celui-ci définit les conditions et mesures drastiques qui doivent être suivies et appliquées scrupuleusement. « Les ballonniers sont responsables de tout ce qu’ils font voler et de tout ce qu’ils récupèrent », confirme Vincent Dubourg. À noter également, le rôle fondamental revêtu par les ballons pour la formation des jeunes : « Des expériences ballons sont développées par des universitaires qui ont vocation à travailler ensuite dans le spatial. On remarque une grande appétence des étudiants pour le terrain et la réalisation concrète d’un système de vol. »


A lire, CnesMag n° 89

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