6 Mars 2023

[Ariane 6] Essais combinés, des répétitions générales

Dérouler les essais combinés d’Ariane 6, c’est se confronter à la réalité et valider un travail commencé il y a des années. C'est aussi valider la compatibilité entre 2 systèmes extraordinairement complexes. Retour sur cette étape cruciale avec les hommes et les femmes du CNES qui sont au cœur de l'aventure.




Les essais combinés d'Ariane 6 ont commencé en septembre 2021, avec les essais d'intégration de la partie haute du lanceur. Ils se sont poursuivis en 2022 avec l'assemblage du corps central dans le Bâtiment d'Assemblage Lanceur (BAL).

« Tout a bien fonctionné jusqu'ici , se félicite Charline Dutertre, responsable des essais combinés au CNES pour le compte de l'ESA. Mais le travail n'est pas fini. » Les campagnes d'essais combinés s'étalent en effet sur plusieurs mois, et comprennent pas moins de 280 essais, qu'ils soient mécaniques donc, mais aussi thermiques, électriques, fluidiques ou encore qu'ils concernent les radiocommunications.

 Les campagnes d'essais sont séquencées, avec une phase de dérisquage avant les tests plus critiques. Par exemple, nous validerons d'abord les opérations avec les fluides conventionnels (azote, hélium, air), avant de dérouler une chronologie de remplissage des réservoirs avec les ergols cryogéniques. 

Laurence Rozenberg, architecte systèmes fluides au CNES.

Dérisquer les tests… Un néologisme très explicite, et très utilisé en ce moment au Centre Spatial Guyanais !

Des Garde-fous essentiels

Impliquée dans les essais combinés, l’équipe Qualité est elle aussi à pied d’œuvre, pour s’assurer que les procédures opérationnelles soient respectées, permettant de garantir que la mise en œuvre sera effectuée en accord avec les spécifications et sans risque pour les personnes et les moyens. Elle est de plus garante de la traçabilité des écarts constatés pendant les essais. « Une réunion a lieu tous les soirs, explique Lény Baczkowski, Responsable de la Qualité Opérationnelle pendant les essais combinés. Nous y discutons notamment des anomalies qui auraient été détectées. Nous en évaluons la criticité. Notre rôle est de réunir les éléments pour que les responsables aient toutes les cartes en main pour prendre leur décision. » Tout écart est ainsi tracé et traité. Une expérience compilée qui pourra également être utile par la suite, et même pendant l’exploitation du lanceur. 

Une préparation de longue date  

Pour l'heure, les essais combinés se poursuivent, sous les regards attentifs de l'équipe architecte, une équipe d'une quinzaine de personnes pilotée par l'ESA. Son rôle a débuté bien en amont, avec notamment le recueil de toutes les demandes d'essais, qu'elles émanent du CNES ou d'ArianeGroup.

Carole Deremaux, architecte système de lancement, explique :

 Ce ne sont pas moins de 900 points qui sont mesurés pendant les essais combinés : vibrations, températures, tensions et courants électriques, acoustiques, chocs, pressions… que ce soit sur le lanceur, sur les équipements au sol ou sur tous les points d'interfaces comme les ombilicaux. Un défi ! Il faut parfois prioriser, faire des arbitrages. Car nous avons des limites : la complexité du test et de sa mise en œuvre, la capacité de stockage des données issues des tests et ensuite, le temps d'analyse de ces données. 

is_ariane6_deremaux.jpg
Portrait de Carole Deremaux, ingénieur Ariane 6 à la DLA. Crédits : © CNES/PIRAUD Hervé, 2017

« Dans un souci d'efficacité, poursuit Charline Dutertre, nous avons fait en sorte de qualifier tout ce qui pouvait l'être avant les essais combinés. » D'autant qu'une campagne d'essais demande à être ajustée presque en temps réel. Les essais à feu de l'étage supérieur d'Ariane 6 en Allemagne, par exemple, ont montré des anomalies, nécessitant des re-vérifications lors des essais combinés.

Un enjeu de taille 

Les essais combinés sont la dernière étape vers la qualification finale d'Ariane 6. Ils doivent montrer que le système de lancement (Ariane 6 et les installations au sol) est fonctionnel. Que ces 2 systèmes incroyablement complexes que sont un lanceur et sa base de lancement sont compatibles.

Cette cohérence, c'est l'équipe architecte qui en a eu la responsabilité.

« Nous avons défini très tôt les exigences des 2 côtés, pour que le sol et le bord puissent se développer le plus indépendamment possible, tout en faisant en sorte qu'au final, cela matche ! explique Laurence Rozenberg. Nous nous sommes basés sur des études, des simulations, des analyses couplées bord/sol… alimentées au fur et à mesure par les différents essais. Par exemple, la qualification technique de l'ELA4 a montré quelques écarts qu'il a fallu prendre en compte. »  

Les essais combinés s'apparentent ainsi à la phase finale qui démontrera la cohérence du système de lancement. « Cela fait 5 ans que je travaille sur le sujet, sourit Laurence Rozenberg. J'attendais les essais combinés avec impatience. »

Des mois intenses mais stimulants 

« On monte en puissance au fur et à mesure des essais, rappelle Lény Baczkowski, avec de plus en plus de métiers impliqués, sur des périmètres de plus en plus vastes. Les journées sont denses, le travail parfois complexe. Cela nécessite de travailler dans une ambiance sereine, et j'y veille… Malgré tout, ce sont des moments passionnants. »

Ce que confirme Carole Deremaux : « les essais combinés sont une période dense avec des contraintes planning fortes. Mais c'est très stimulant ! »

Et Charline Dutertre de compléter : « il faut voir aussi les essais combinés comme des répétitions générales pour les équipes, qui permettent de tester les procédures opérationnelles, l'organisation. A l'image des processus décisionnels, où les responsabilités de chacun sont bien définies. »

Et aux dires des interviewés, les essais ont déjà permis de mettre en évidence la très bonne coordination des équipes et des entités, et le rôle, clair, que chacun doit jouer dans cette organisation.

« C'est un projet magnifique, conclut Lény. Chacun de nous mesure la chance qu'il a de pouvoir y contribuer. Il y a donc une volonté commune de bien travailler ensemble pour faire avancer le programme Ariane 6. » Un sentiment partagé par tous. 

Le saviez-vous ?

Pour simuler le remplissage et la vidange des réservoirs du lanceur, depuis les réservoirs de stockage mobiles jusqu'à ceux d'Ariane 6, en passant par les lignes de transfert cryogéniques de l'ELA4, l'équipe architecte se sert d'un simulateur fonctionnel du CNES : un modèle de prévision numérique, qui utilise les données de définition fournies par le sol et le lanceur. « Nous disposons d'un modèle "end-to-end" unique », se félicite Laurence Rozenberg.

Rendre plus sûr (ou dérisquer !)

Même quand les essais combinés doivent être mis en pause, les équipes opérationnelles en profitent pour répéter les procédures. Objectif : dérisquer au maximum toutes les étapes et les procédures ! « On optimise les périodes moins chargées, précise Charline Dutertre, en réalisant des opérations à blanc. Cela a notamment été le cas pour l'intégration des 2 étages du corps principal. Les opérations, comme le rapprochement, le boulonnage… ont été répétées plusieurs fois. »


Poursuivez votre lecture

is_illustration-serie-lanceurs.jpg
Lanceur - image d'illustration Crédits : Alena Butusava

Série Lanceurs

Qu’on les nomme lanceurs ou fusées, cette activité du CNES - qui contribue à garantir l’accès autonome à l’espace de la France et de l’Europe - est en constante évolution. Nous vous proposons de découvrir son actualité via une série d’articles. Vous y lirez tous les détails sur le nouveau lanceur Ariane 6 et sa base de lancement et vous familiariserez avec les innovations et ruptures technologiques qui nourriront les futurs programmes à l’horizon 2030.

→ Accéder aux articles

Published in: